Taille : 60 centimètres environ
Aspect : Etique et malgracieux . Nez très long et pointu. Cheveux et barbe embroussaillés. Nyctalope. Œil clair. Pieds nus, longs et plats, plantes cornées, chevilles en ergots. Fort robuste malgré sa maigreur. Bouche sans lèvres, fendue d’une oreille à l’autre.
Vêtements : Se montre tantôt vêtu uniquement d’une houppelande rouge et d’un haut bonnet noir, tantôt d’une houppelande noire et d’un haut bonnet rouge. Un collier de champignons séchés autour du cou.
Habitat : D’anciennes galeries de blaireaux, sommairement aménagées de couches de duvet dérobé dans les poulaillers. Seulement sur les lieux les plus élevés des Vosges, à proximité des chalets et des fermes.
Nourriture : Dévore le contenu des armoires et des garde-manger. Amateur de champignons. Raffole de lait et de potée.
Mœurs : Le mystère demeure autour de sa façon de se reproduire : il n’y a pas de Sotré femelle. Les vosgiens prétendent qu’il pousse naturellement comme les champignons, ou par l’opération des rayons de lune sur l’humus… ou même qu’il naît d’un rire et que « tant qu’il y aura des farces à jouer, il existera des Sotrés ».
Activités : Le Sotré dort, mange, s’amuse beaucoup et chante des tas de mélodies aussi incompréhensibles à l’oreille humaine, qu’il connaît sans les avoir apprises.
Extrait de la grande encyclopédie des lutins – 1992 Editions Hoëbeke, Paris
Nous vous invitons à écouter la chanson « Le Sotré ! » que les élèves de CM1 de l’Ecole Pierre de Bernard (Saulcy-sur-Meurthe / Vosges) ont composé !
L’association Sotrés remercie tous ces petits lutins et leur enseignant François Mougin pour cette touchante attention !
L’histoire du Sotré et du Père Clément
Le père Clément avait les plus beaux chevaux du village. Ils étaient grands et fringants, leurs robes étaient brillantes, leurs crinières frémissantes et leurs sabots luisants. Et en plus de cela, ils étaient vaillant à l’ouvrage.
Pourtant, il ne perdait guère de temps à s’en occuper: jamais il ne leur curait le pied ou ne les étrillait.
Rarement il changeait leurs litières.
Aussi ne comprenait il pas pourquoi , chaque matin, au réveil, il découvrait une écurie propre et retrouvait ses chevaux brossés, la queue peignée et parfois même leur crinière nattée.
Qui s’amusait ainsi. Était-ce sa servante ? Ou bien sa femme, la grande Nanette ?
Ce qui le turlupinait encore davantage, c’était que la nourriture qu’il réservait à ses bêtes avait disparue. Il ne donnait pourtant que la juste ration à chacun d’eux, non parce qu’il était avare , mais parce qu’il n’aimait pas le gaspillage. Et comme dit le proverbe, il croyait que donner du vin aux dames et de l’avoine aux chèvres, c’était du bien perdu.
Et parlons en de l’avoine ! Oh, ce n’était pas des chèvres qu’il devait se plaindre, c’était de ses chevaux ! Ces animaux là mangeaient, mangeaient … Jamais il n’avait vu de tels appétits. Mais il n’empêche que son coffre d’avoine se vidait bien vite .
Il ne voyait qu’une explication : quelqu’un venait la nuit dans son écurie lui voler son avoine. Et il se promit de surprendre le voleur.
Il en causa d’abord à sa femme qui se moqua de lui :
– Mais de quoi donc te plains tu mon bon. N’as tu pas les meilleurs chevaux du coin ?
Mais il insista. Alors , elle lui avoua qu’elle savait que s’était le sotré.
– Le Sotré ? Mais ne soit pas bourrique ! Tout le monde sait que le Sotré n’existe pas ! Ce sont des histoires de mâmiches (= mammies).Tu en as vu toi ?
– Chut, quand on les vois, il ne faut surtout pas le dire … Ils se fâcheraient.
– Ma pauv’ Nanette ! Je ne te croyais pas si bête !
Elle se contenta de hausser les épaules. Car elle savait fort bien que ce n’était pas des histoires …
Les Sotrés, elle les connaissait. Quand elle n’était qu’une pisseuse au berceau, bâillant pour avoir sa tossotte (= tétine) , déjà ils venaient l’endormir en lui chantant de chansons qu’elle seule entendait.
Ninan ! Beau fanfan !
Les cloches font leur petit chant
Pour mener nos poules aux champs.
La plus belle s’en va devant,
La plus laide s’en va derrière,
L’estropiée est attardée,
La plus haute monte sur les autres,
Iouhihi ! L’oiseau l’a prise !
Et puis quand elle était piote (=enfant), elle aimait aller aider la servante à traire les vaches dans l’étable, au dessus des forets des Vosges où se trouvait la ferme de son père. La Bibi ne manquait jamais de verser un peu de lait qu’elle allait mener au grenier.
– pour qui donc c’est ce bol ?
– Chut … Faut pas le dire. C’est pour le Sotré !
– Et pourquoi ? Il aime tant que ça le lait le Sotré ?
– Oh que oui ! Tu comprends, il se repose le jour et lorsque la nuit tombe, il se met au boulot.
La Bibi regardant autours d’elle si personne ne l’écoutait, abaissa la voix :
– C’est pour le remercier de s’occuper des vaches quand on dort. Pour les soigner, il leur retire leurs cornes. Mais s’il n’a pas eu son compte de lait, il oublie de les remettre, et ça fait maigrir les pauv’ bêtes. Si, si, c’est arrivé dans la ferme là où je travaillais avant. Et on dit que ces les maîtres qui n’aiment pas les sotrés, pour se venger, ils mettent des cheveux dans le beurre et font pipi dans le lait. Tu te rends compte un peu !
Le temps avait passé et la servante les avait quitté. Et la Nanette était devenue une bacelle (=demoiselle) plus occupée par les garçons que les Sotrés.
Mais une nuit qu’elle ne pouvait pas dormir parce qu’elle pensait à son Clément, elle s’était accoudée à la fenêtre et avait vu bouger quelque chose sur le tas de fumier. Ce n’était pas des bêtes. C’était de petits hommes, des Sotrés , qui se tenaient par la main et qui rondiaient (=faisaient une ronde).
Elle s’était vite recouchée et n’en n’avait jamais reparlé.
Après, elle avait quitté ses sapins et ses vaches pour aller vivre avec son Clément dans le nord de la Lorraine où les gens parlaient un patois différent du sien.
Oh, mais elle ne se plaignait pas ! C’était une femme respectée et le père Clément ne la bourriaudait (=grondait) guère. Il n’était ni trop faignant, ni trop soûlot. En plus comme on dit, il avait du poil sur l’oreiller : il était à son aise , simplement un peu trop regardant à la dépense. Et quand la Nanette voulait s’acheter une petite bricole, elle le faisait en douce. Mais ce qu’elle lui reprochait surtout, c’est qu’il ne croyait pas , ni à Dieu, ni au Diable, ni à la dame verte, ni aux Sotrés.
Et pour dire vrai, elle n’aurait pas été fâchée que le Sotré joua un bon tour à son Clément pour lui prouver qu‘il existait.
Ce soir là, le père Clément avait bu 2 ou 3 verres de vin chaud , histoire de se donner du cœur au ventre et de s’empêcher de dormir, pris sa fourche et se blottit dans un recoin de l’écurie pour guetter son voleur.
Un rayon de lune passait par la petite fenêtre tandis que les chevaux dormaient.
Le père Clément, malgré son petit remontant, commença à se laisser envahir par le sommeil.
Mais soudain, au premier coup de minuit sur le clocher de l’église, il entendit grincer la porte.
Un petit bonhomme chantonnant, vêtu d’une houppelande et coiffé d’une calotte s’approcha d’un cheval et grimpa sur son dos, le caressa et le câlina. Il fit de même avec tous les autres chevaux qui hennissaient doucement comme pour lui dire qu’ils étaient reconnaissant.
Maître Clément se demandait s’il révait. Il se frotta les yeux mais il était bien éveillé.
Le petit bonhomme continuait à chanter:
Clip, clop, je frappe à la porte
Clip, clop, je cours et je trotte
Clip, clop, je flatte et je frotte
Clip, clop, je soigne sans trêve
Clip, clop, les chevaux qui rêvent
Aussi , quand il eu fini de s’occuper de ses bêtes et s’approcha du coffre à grains , le fermier bondit sur lui et, croyant l’attraper, planta sa fourche . Mais quand il se releva, le Sotré avait disparu et seule sa petite calotte était restée agrafée à une dent de la fourche.
Un petit nuage voilà la lune et l’écurie se trouva plongée dans l’obscurité.
Alors on entendit d’une voix aiguë et moqueuse:
– si tu me prends ma calicotte, je te roulerai dans la crotte !!! Hi, hi , hi !!!
– ta calipotte, petit voleur, je l’ai et je la garde !
Il se rapprocha de l’endroit d’où venait la voix et se pencha, pensant sentir quelque chose gigoter dans la paille. A ce même moment, de l’autre coté de l’écurie, il entendis:
– Rends moi mon bonnet ou je te change en baudet !
Puis la porte claqua.
Le lendemain, la mésaventure du Sotré fit le tour du village et le père Clément fit son fier montrant la petite calotte rouge comme un trophée en laissant entendre qu’il avait échappé à un grand danger.
– alors, tu l’as vu ?
– Et comment donc que je l’ai vu !
– et à quoi il ressemblait ?
– à un petit bonhomme très laid avec de grandes oreilles comme des feuilles de chou et un grand nez .
La grande Nanette étais soucieuse . Se moquer du Sotré ne lui disait rien qui vaille.
Comme son mari dormait à poings fermés , après avoir bien arrosé sa victoire, elle lui repris la calicotte et la rangea soigneusement. Puis elle se coucha et dormi d‘un sommeil sans rêve.
Le lendemain matin lorsqu’ elle se réveilla, son mari n’était plus là.
Elle ne commença à s’inquiéter qu’à l’heure du casse croûte et se mit à le chercher.
La journée passa, et , désespérée, elle vint trouver le curé qui, souriant, lui demanda si elle était allée voir du coté de l’écurie.Lorsqu’elle entra dans l’écurie, elle remarqua un baudet parmi les chevaux qui ne s’y trouvait pas la veille. Elle compris aussitôt.
A la nuit tombante, elle retourna à l’écurie et y laissa la calicotte.
Elle ne put s’empêcher de ricaner sous sa cape lorsqu’elle passa devant l’âne à qui elle donna double ration d’avoine.
Le lendemain, l’âne s’était volatilisé et le bon Clément ronflait, la tète dans le crottin. Sans doute n’avait il pas fini de cuver son vin…